Home Affairs
Résidence artistique
1 an d'art à la manufacture
juin 2025

L’association Home Affairs s’associe à la maison Camille Fournet dans un projet artistique au long cours à l’intérieur de la manufacture.

HOME AFFAIRS RENCONTRE
CAMILLE FOURNET

Sur une invitation de Camille Fournet à penser une forme artistique à l’occasion de l’extension des bâtiments de la manufacture à Tergnier, Oriane Déchery a à son tour proposé à trois autres artistes et designers de venir travailler en résidence pendant plus d’une année dans les ateliers de la Maison de maroquinerie. L’équipe de Home Affairs s’est donc installée dans la manufacture, aux côtés des employés, pour y créer un projet à double dimension.

Oriane Déchery

Oriane est artiste plasticienne, elle est à l’origine de la création de la structure associative Home Affairs. Au cours de son année à la manufacture, Oriane a enquêté sur la relation entre les mains et la matière, déplaçant ainsi nos regards sur les corps de celles et ceux qui font, et qui détiennent un grand savoir.


Sculpter les gestes au travail, petit à petit, à force d’observation, Oriane a découvert notamment un objet, qui a été peut-être un point de départ. Ce sont ces gants en coton que tous les artisans utilisent pour essuyer leurs outils après avoir appliqué la couleur: ce sont comme des petites peintures. Le premier volet du travail est un travail de sculpture. Oriane a réalisé trois immenses mains qui sont trois gestes de trois travailleuses. Ses mains sont sur roulettes, elles sont mobiles avec des gestes immobiles. Un peu à l’inverse de ce qu’elle a pu observer aux établis, où les gestes sont une chorégraphie incessante, mais où les corps sont assignés à une posture, stationnaires. Donc ces gestes déplacés de leur contexte, sont là, immenses, devant les travailleurs et les travailleuses. Pour le revêtement de ces sculptures, elle est allée chercher les documents administratifs de chaque service qu’elle a ensuite broyés pour en faire une pâte de papier.

Oriane Déchery s’est ensuite attelée à un autre projet. Elle a demandé à une centaine d’artisans d’arrêter leur travail un instant pour photographier leurs mains dont les traces du travail sont perceptibles. Elle a ensuite encollé de manière définitive ces images dans les espaces de direction où les décisions sont prises. Une façon de remettre au centre les corps supervisés des artisans, de leur redonner un pouvoir.

Romain Guillet

Romain Guillet est designer et scénographe. Il travaille pour les musées et le spectacle vivant et a pu passer un an en résidence à Tergnier. Il a été marqué par les machines et le cadre de travail, avec l’envie de mettre en lumière celles et ceux qui y évoluent et les espaces qu’ils occupent. Ces deux aspects sont au centre des deux œuvres qu’il a réalisées pendant cette résidence.


Romain a imaginé une série d’accessoires aimantés, plus d’une centaine, répartis un peu partout dans la manufacture. C’est un projet qui s’intègre et se camoufle dans les espaces, les ascenseurs, sur les machines à coudre ou à café. Des boutons, des volants, des leviers, des manivelles, des morceaux de corps en silicone et des cheveux. Ce projet, c’est une façon de hacker les machines, de les rendre moins efficaces ou moins productives en faisant des éléments de contrôle ou de manœuvre inopérants. C’est un projet qui parle également du corps qui peut se confondre avec la machine lorsqu’on travaille dessus toute la journée.

La deuxième pièce que Romain Guillet a imaginée est une grande cloison mobile, un paravent, conçu à partir de cuir recyclé, un matériau très utilisé dans la manufacture pour créer des modèles ou des renforts. C’est un projet à l’échelle de l’architecture du nouveau bâtiment, né d’une envie de détourner la pièce de luxe, comme précieuse, unique, et issue d’une grande maîtrise technique. Ici, le matériau est peu cher, le système d’assemblage ne requiert aucun savoir-faire particulier, et le principe est déclinable à l’infini. Le motif des écailles reprend celui de la peau d’alligator en permettant de la reproduire au kilomètre et sans alligator.

Virginie Yassef

Lors de cette résidence à la manufacture, Virginie Yassef amené une réflexion alliant histoire et anthropologie. Cette recherche l’a conduite jusqu’aux rives du Mississipi où sont situées les fermes d’élevage d’alligators. De ce point de départ, elle a remonté un fil historique, celui des Natchez, amérindiens autochtones qui vivaient là, dans cette même région. C’est à partir de ces indices historiques qu’elle a commencé à imaginer un ensemble d’œuvres.


Trois faux rochers crocodiliens mobiles qui peuvent être déplacés dans tous les espaces de la manufacture et qui s’intitulent Pierre(1), Pierre (2), Pierre (3), sont associés à trois bannières, nommées Serpent piqué (1,2,3). Les trois bannières présentent des dessins aux messages mystérieux conçues à partir de disques réalisés dans les chutes de peaux d’alligators non utilisées et assemblées sur une couverture de survie face argentée, froissée. Chacun des rochers possède des yeux. Les rochers ont potentiellement un regard et ils fossilisent une certaine mémoire puisqu’ils voient tout.

Associés aux 3 rochers, les 3 bannières, sont, elles aussi mobiles et préhensibles. Objets de défilés, de manifestations ou de revendications, leur message reste quelque peu énigmatique. Les matériaux utilisés ici, sont tout deux thermo-régulateurs, évoquant une forme de protection. Les dessins forment des paysages stylisés et semblent vouloir représenter un monde : le soleil, une comète, des étoiles, une plante, un outil, un ovni.

Maria Alcaide

Pour cette expérience en manufacture, Maria, artiste plasticienne, qui fait aussi de la vidéo, des textes et des installations, a imaginé deux œuvres. Paysage de manufacture et Portraits des manufactures. Ces deux pièces sont des pièces jumelles qui se parlent entre elles et qui se forment et qui sont montrées dans chaque bâtiment de la manufacture.


Maria a observé les artisans travailler les gestes, la précision avec les mains et un jour, elle s’est rendue compte qu’il y avait beaucoup de travailleuses et travailleurs qui avaient des tatouages. Les tatouages, à la fin, c’est un symbole de classe. Pour Maria, c’était vraiment important de faire un portrait contemporain de la classe ouvrière. Et il y avait une référence directe entre la peau de l’animal et la peau des personnes qui sont là.

Maria s’est concentrée sur les process inverses pour cette deuxième œuvre. Elle a essayé d’extraire tout ce qu’il y a dedans. Elle a pris un squelette de peau où on peut voir les vides et elle a rempli ce vide avec deux autres matériaux et quelques photos qui parlent aussi de vide et des trous. Elle a pensé à installer la pièce dans un seul endroit qui est vide et qui est le nouveau bâtiment de Camille Fournet.

« C’était amusant dans le sens où les artistes m’ont tout expliqué donc j’essayais d’imaginer ce que ça pouvait devenir. »
Kevin, responsable du stock peau

« On partageait des moments, il y a eu beaucoup d’échanges après une période d’acclimatation, mais ces échanges restaient
dans une limite non-verbalisée mais bien définie : les gens viennent ici travailler, chacun est affairé. »
Sarah, artisan

CAMILLE FOURNET AIME JOUER AVEC LES MATIÈRES ET LES COULEURS. NOUS AIMONS LES CRÉATEURS, LEUR INVENTIVITÉ, LEURS PROUESSES ET LE MERVEILLEUX QU’ILS SUSCITENT.